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Le pic pétrolier

  • lookense3
  • 20 nov. 2020
  • 4 min de lecture

Théorisé par le géologue américain Marion King Hubbert en 1956 pour le pétrole, le principe de pic de production peut s’appliquer à n’importe quelle ressource extractible de notre environnement et non-renouvelable. Que dit cette théorie ? La notion de pic prévoit pour chaque ressource à échelle globale mais aussi à échelle locale, pour un pays ou un gisement précis par exemple, une courbe de production en forme de cloche. C’est-à-dire que pour cette ressource la quantité extraite par unité de temps augmente progressivement au cours du temps, selon les avancements technologiques ou les moyens financiers engagés, jusqu’à atteindre un maximum de production appelé pic. À partir de celui-ci la quantité extraite par unité de temps ne peut que diminuer inexorablement du fait de la raréfaction des quantités restantes et de la progressive difficulté à extraire la ressource. Ainsi ce principe de pic peut naturellement s’appliquer à la production de pétrole, mondiale ou locale.


Après avoir vu la théorie, qu’en est-il de la réalité ? Cette histoire de pic est-elle fondée physiquement ? Pour le savoir il suffit de consulter les courbes de production de différentes régions du monde, les données exploitées s’arrêtant en 2014. L’Europe et avec elle son premier producteur la Norvège ont déjà passé leur pic pétrolier en 2000 et 2001 respectivement. La Russie et l’ancienne URSS après avoir connu un pic en 1989 suite à son effondrement a connu un regain de production passant maintenant sur un plateau ascendant. L’Asie se trouve aussi sur un plateau légèrement ascendant. Quant au Moyen-Orient, première région productrice de pétrole, est encore en légère croissance de production bien que des pays comme le Yémen ou la Syrie ont passé leur pic en 2002. Le cas des Etats-Unis est très particulier dans la mesure où ceux-ci ont connu leur pic de production de pétrole conventionnel en 1970. Il est cependant devenu possible, grâce aux récentes nouvelles technologies d’extraction, d’extraire les pétroles dits « de schiste », ce qui a permis aux Etats-Unis de revenir à une production quasiment équivalente à celle de 1970. Avec des états de production très hétérogènes, la théorie du pic pétrolier peut donc se vérifier à travers le monde. Pour ce qui est du pic pétrolier au niveau mondial, il y a débat : certains experts, comme Kenneth Deffeyes, expert pétrolier ayant travaillé pour Shell notamment, affirment que le pic a déjà été atteint alors que d’autres le situent entre 2010 et 2040. Il est donc probable que ce pic soit en passe d’être atteint en ce moment même.


En s’inspirant du cas des États-Unis, on pourrait penser que la solution se trouve dans l’exploitation de pétroles alternatifs ou non-conventionnels (par opposition aux pétroles conventionnels). Ces nouveaux gisements pétroliers, comme tout gisement, sont toutefois également sujets à un pic de production, avec pour conséquence de retarder le pic global de 5 à 10 ans seulement. Même en faisant fi de ces constatations, ces nouveaux types de pétrole ne sont pas viables. Mettons de côté les horribles conséquences écologiques associées à leur exploitation (pollution des nappes phréatiques, rejet de méthane, consommation de quantités astronomiques d’eau pour la fracturation hydraulique…), et concentrons-nous sur la notion de « Taux de Retour Énergétique » ou TRE. Ce terme, appliqué à une source d’énergie, représente le rapport entre l’énergie utilisable acquise grâce à cette source et l’énergie dépensée pour l’extraire de cette source. En effet, pour récupérer du pétrole sous terre il faut creuser un puits, pomper le pétrole, l’acheminer vers les points de consommation … Ainsi un TRE de 2 par exemple indique que pour un baril de pétrole investi on en retire deux du sol. Ce principe peut s’appliquer à toute forme de production d’énergie : plus le TRE est grand plus une source d’énergie est viable. Par exemple, le TRE du pétrole avant 1940 était supérieur à 100 alors qu’il est aujourd’hui de l’ordre de 10 à 20 ; les pétroles non conventionnels ont un TRE entre 2 à 5 et donc inférieur au pétrole conventionnel et ne sont donc pas aussi efficaces. À titre de comparaison, le TRE des énergies renouvelables hors hydraulique est de 5 à 20 et du nucléaire de 5 à 15. Ainsi les énergies vers lesquelles nous sommes censés converger ont un TRE et donc une efficacité inférieurs aux sources d’énergies fossiles classiques (pétrole, charbon, gaz). De plus, il n’est ici pas tenu compte de leur intermittence demandant l’installation de systèmes de stockage coûteux en énergie à la production ou de centrales thermiques pouvant pallier les irrégularités de la production intermittente. Ces ajouts font drastiquement diminuer le TRE des sources d’énergies mentionnées : celui de l’éolien ne serait par exemple plus que de 3,8.


Ce déclin inévitable de la production et de l’efficacité générale de la production d’énergie va se confronter aux velléités de consommation d’une population grandissante, particulièrement dans les pays en voie de développement. Actuellement, il est estimé qu’un TRE supérieur à 12 ou 13 est nécessaire pour maintenir notre société à flot, c’est-à-dire pour assurer les services vitaux, d’Internet à nos réseaux d’eau ou d’électricité en passant par l’agriculture, la fabrication de vêtements ou de voitures, l’éducation, la santé ou encore les services de défense par exemple. Ainsi la baisse de ce TRE moyen de l’énergie signifie une baisse de l’accès aux services usuels de nos sociétés et donc une baisse généralisée du PIB, celui-ci étant par ailleurs très fortement corrélé à la fluctuation de production de pétrole et de l’énergie disponible en général. Cela se traduira donc par une baisse drastique de nos niveaux de vie, voulue ou non par manque d’une énergie suffisante pour les maintenir. Le pic pétrolier n’est donc pas qu’un problème technologique ou économique pour certains lointains pays producteurs, il pose des questions sur les transitions à effectuer pour éviter une crise sociale, sociétale et économique globalisée en plus de la catastrophe environnementale déjà annoncée.

Sources

https://jancovici.com/en/ : site de Jean Marc Jancovici

Servigne, P., Stevens, R. (2015), Comment tout peut s’effondrer, Editions Seuil

Auzanneau M. (2015), Or noir : la grande histoire du pétrole, Editions La Découverte


 
 
 

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