La pollution lumineuse
- lookense3
- 26 nov. 2020
- 4 min de lecture
Souvent associées aux ténèbres, l’obscurité et la nuit effraient l’homme. Pour les repousser, il utilisait autrefois la lumière provenant du feu. Aujourd’hui, c’est à travers l’électrification que celle-ci lui est apportée. Lampadaires, vitrines, panneaux publicitaires, mais aussi téléphones, télévisions… Toutes ces installations participent au recul progressif de nos nuits. Chaque année, on estime l’augmentation de l’éclairage public dans le monde à 2% et à 96% en près de 20 ans. Cette utilisation de l’éclairage artificiel en constante évolution n’est pas sans conséquences, si bien qu’on lui a donné un nom : c’est la pollution lumineuse. En ville, cette pollution se traduit par des éclairages en partie dirigés vers le ciel. La lumière se réfléchit alors sur les particules dans l’air et crée un brouillard lumineux nous privant la vue de nos étoiles la nuit. En 2016, près de 83% de la population mondiale vivaient sous un ciel pollué et un tiers de l’humanité serait incapable d’apercevoir la voie lactée. Vrai fléau pour les astronomes, la pollution lumineuse a d’autres conséquences néfastes sur la biodiversité et sur l’homme.

Hong Kong de nuit
La nature est caractérisée par une alternance jour nuit sur laquelle la faune et la flore ont développés leur métabolisme et des mécanismes vitaux : cycles de sommeil, déplacements, capacités reproductives… En perturbant cette alternance, par le biais de ces brouillards lumineux au-dessus des villes et visibles à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde, c’est tout l’écosystème qui est bouleversé. Il est estimé que cette pollution menace 30% des vertébrés et 60% des invertébrés. Par exemple, les insectes sont attirés par la lumière des lampadaires et volent indéfiniment jusqu’à mourir d’épuisement. Chaque nuit, c’est environ 150 insectes qui meurent pour un seul lampadaire, un étonnant meurtrier. Les bébés tortues marines sont attirés par les lumières des villes au lieu du reflet de la lune sur la mer qui leur permet de rejoindre leur habitat naturel. Les végétaux sont également impactés, on pourra notamment remarquer que les feuilles d’arbres situées du côté d’un éclairage restent plus longtemps accrochées.
Cette pollution n’est également pas sans effets sur l’homme, et plus particulièrement sur sa santé. Nous obéissons à ce qu’on appelle le rythme circadien, regroupant certains processus biologiques de notre organisme. Ce rythme fonctionne à partir de cette fameuse horloge interne dont la lumière joue un rôle prépondérant. Pour dormir, et donc pour pouvoir récupérer de l’énergie, notre corps a besoin de mélatonine, une substance qui favorise le sommeil. Cette substance est créée par le cerveau lorsqu’il reçoit l’information qu’il fait nuit de la part de cellules photoréceptrices situées dans nos yeux : la mélanopsine. Or, pour détecter la présence de la nuit, les yeux doivent être dans un milieu totalement noir, sans lumière. On comprend donc que les différentes sources de lumières retardent notre sommeil et décalent notre rythme biologique. Selon certaines études, ce décalage pourrait provoquer chez l’homme l’apparition de diabète, de dépression, voire même de cancers. C’est d’ailleurs de ce constat qu’est apparue la question sur la lumière bleue. En effet, la mélanopsine est beaucoup plus sensible à la lumière bleue. C’est pour cette raison que nos téléphones possèdent désormais un filtre orangé qui a pour but d’éliminer la composante bleue de la lumière émise. Cependant, avec l’apparition des LED, le parc d’éclairage émet de plus en plus de lumière bleue, impactant ainsi encore plus l’homme et les écosystèmes.
Une prise de conscience a été prise en France et plusieurs législations ont pour but de réguler l’utilisation de la lumière. Par exemple, il est imposé aux vitrines d’être éteintes après 1h du matin et jusqu’à 7h du matin. Les caractéristiques de l’éclairage ont également été restreintes au niveau de l’intensité, de la couleur émise et de la direction de projection. Depuis le 1er janvier 2020, il est interdit pour toute nouvelle installation d’éclairage public d’émettre vers le haut. Ce sont même des régions s’étalant sur plusieurs km² où les communes se sont accordées à passer à un éclairage partiel. Il existe d’ailleurs des zones particulières appelées réserves de ciel étoilé où la qualité du ciel est exceptionnelle. La population dans ces zones s’engage sur la protection du ciel. Au Québec se situe une réserve de ciel étoilé nommée le Mont-Mégantic. Dans cette région se trouve notamment la ville de Sherbrooke (167 000 habitants) qui s’insère dans cette protection en utilisant par exemple des LED ambrées moins émettrice de lumière bleue que les LED blanches classiques.

Mont-Mégantic
Certaines régions du monde commencent donc à lutter ou luttent déjà contre cette pollution lumineuse. Cependant, le défi est de taille à l’échelle mondiale au vu des chiffres évoqués et de l’arrivée des pays émergents : quels choix feront-ils ? Enfin de manière plus générale, la question de la fonction de l’éclairage doit être soulevée. Pour quel usage mettons-nous de l’éclairage ? Quels lieux avons-nous réellement besoin d’illuminer ? Peut-être aussi serait-il temps d’apprendre aux enfants de ne plus avoir peur du noir, et que lorsque l’obscurité est plus profonde, la lumière n’en est que plus belle...
Sources
https://www.youtube.com/watch?v=4RYhIA2c8IQ La quotidienne
https://www.ecologie.gouv.fr/pollution-lumineuse Ministère de la transition écologique
https://www.youtube.com/watch?v=jBFRKJnE6BI Nébuleuses et Cacao
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